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   La fenêtre était fermée, les rideaux tirés, mais le bruit extérieur s’infiltrait, sournois. La couchette était trop haute, il avait replié ses jambes contre lui et posé ses bras dessus. Le plafond était immaculé, scindé en deux par un unique rayon de lumière. Son casque allait bientôt rendre l’âme, le son grésillait un peu.     

   Sur la table face à lui reposaient des dizaines de cadeaux, dont il n’avait ouvert que la moitié. Parmi eux, un cadre, réalisé par des mains soucieuses, qui l’avait plongé dans cet état de demi-conscience.     

   Ils étaient si nombreux à attendre le dénouement de cette journée, que certains qualifiaient déjà d’historique. Qui donc lui avait offert ceci ? L’écriture était si appliquée qu’il imaginait sans mal la concentration de son admiratrice. Elle avait réuni avec quelques photos toutes les dates les plus marquantes de sa carrière, et avait laissé une place libre avec un petit mot :

« Ostal cristo, onzième saison, huitième titre ».     

   La porte s’ouvrit, il n’entendit pas ce qu’on lui disait, mais comprit qu’il était temps. Le compte à rebours était lancé.     

  

   – Je ne suis certainement pas le mieux placé pour parler de ses débuts, il faudrait l’avoir vécu pour comprendre. On sait tous qu’il a grandi entre Porto Rico et São Paulo, mais les coureurs là-bas... Ça n'a rien à voir avec l’industrie européenne.    

  

 

   – Pile, t’y va, face, on se morfond encore des années, fit Marco en brandissant une pièce.    

   – Arrête tes bêtises... soupira Paola.    

   – Mes bêtises ? Ça fait des semaines que tu baves devant ce satané serveur, cara !   

   – Ça va, laisse-là un peu, intervint Antton.    

   Marco lui tira la langue, puis lança la pièce en l’air.    

   – Il est là ! Il vient d’arriver !    

   Raul s’arrêta en dérapant juste devant eux, manquant de leur rouler sur les pieds.    

   – Raul ! gronda Paola en lui donnant un coup sur l’épaule.    

   – Tu me frapperas plus tard, sœurette, il faut qu’on se dépêche si on ne veut pas rater Dixon ! rétorqua-t-il en remettant déjà un pied sur le marchepied de sa mobylette.    

   Les trois cousins échangèrent de grands sourires, puis Paola se précipita derrière Raul alors qu'Antton et Marco se dépêchaient de sauter sur leur bécane.    

   Cette année, et pour la première fois, un immense rassemblement de voitures avait lieu dans le port commercial. Depuis quelques jours, la rumeur que Ford Dixon allait être présent tournait un peu partout, et férus de course comme ils étaient, les cousins n’avaient eu de cesse de fureter jusqu’à être sûrs de la nouvelle

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   – Comment tu peux être sûr que c’est lui ? demanda Paola alors qu’ils patientaient difficilement à un feu rouge.    

   – Le pote d’un gars qui bosse au même endroit qu’Enrique l’a vu sortir d’un hôtel dans le vieux San Juan !    

   – Une info en béton ! railla Marco.    

   – Fais-moi confiance, idiota !   

   Ils roulèrent si vite que toutes les voitures klaxonnèrent sur leur passage, et que les piétons les insultèrent de tous les noms.    

   À proximité du port, ils trouvèrent un endroit où cacher leurs mobylettes, et finirent la route en courant. La foule était immense, et déjà ici, il y avait beaucoup de bruit. Ils dépassèrent l’entrée principale en coupant à travers le monde grouillant, et entrèrent dans le festival par un trou dans le grillage qu’ils avaient repéré quelques jours auparavant.    

  Il y avait des voitures fabuleuses partout, et ils traversèrent le port en s’exclamant. Ils voulurent s’arrêter à plusieurs reprises, mais se retinrent. Si Dixon devait être quelque part, c’était probablement vers la grande estrade.    

   – On ne va jamais le voir, avec tout ce monde ! grommela Marco.    

   – Je t’ai dit de me faire confiance, cousin, rétorqua Raul avec un sourire espiègle.   

   Il les entraîna à nouveau à travers la foule qui se massait à présent devant la scène. Il y avait trop de gens pour qu’ils puissent encore penser que le pilote ne viendrait pas.    

   Raul leur fit contourner la scène jusqu’à une barrière qui séparait la foule des coulisses. L’agent de sécurité qui se trouvait là s’approcha d’eux.    

   – Vous êtes Richard ?    

   Il hocha la tête avec un regard suspicieux.    

   – Je suis un ami d’Enrique, il a dit que vous pourriez nous faire entrer.    

   Richard fit la grimace, puis jeta un coup d’œil aux alentours.    

   – Bon d’accord, mais faites-vous petits, les mômes.    

   Il déplaça la barrière juste assez pour leur permettre de passer et leur fit signe de se dépêcher.    

   – Tu nous expliques ? demanda Paola, qui n’était pas certaine d’apprécier ce qu’il venait de se passer.    

   – Relax Paola ! Richard était fauché, Enrique lui a filé un coup de main en lui obtenant le job, c’est tout.    

   – Mmmm... je t’ai à l’œil.    

   Il leva les mains en signe de pacifisme. Antton était toujours sidéré de voir qu’il était capable de se faire des amis et des connaissances partout où il allait. Ses trois cousins ne venaient que de temps en temps à San Juan, pourtant Raul semblait y connaître plus de monde que lui.   

   – Dépêchez-vous ! pressa Raul.    

Ils se faufilèrent au plus proche de la scène, et en grimpant sur les montants métalliques de l’estrade, ils purent se hisser suffisamment pour avoir les yeux au ras du sol. Le soleil tapait fort à cette heure, et ils devaient plisser les yeux.   

   – C’est lui, regardez ! chuchota Paola en pointant du doigt le pilote qui patientait dans les coulisses.   

   Ford Dixon était pilote dans la catégorie reine depuis quelques années, les Machs de classe 1, mais ces derniers grands prix, il avait enflammé la sphère du sport mécanique. Falcon NMC Motorsport était venu avec un nouveau concept de monoplace, et leur pilote volait en piste plus vite encore que les écuries en tête de classement. Virtuose du pilotage, il s’était très vite hissé au rang de favori pour le titre de champion du monde, une fois de plus. Ceux qui disaient qu’il avait fait son temps s’en mordaient les doigts.  

   Antton l’avait vu passer à la télé les quelques fois où ils avaient réussi à capter la chaîne qui diffusait les courses, et il avait lu avec assiduité chacun des articles qu’il avait pu trouver à son sujet. Le voir en vrai lui fit un drôle d’effet. Il était plus petit que ce qu’il s’était imaginé, et paraissait moins imposant. Il avait l’air d’être comme n’importe qui.    

   Dixon ne parlait pas un mot d’espagnol, et des quatre cousins, aucun des trois garçons n’était très assidu aux cours de langue. De là où ils étaient, il était impossible pour eux de voir la traduction affichée sur les écrans géants, et Paola dû leur retranscrire la conversation à voix basse. Il raconta les derniers grands prix, ce qui avait changé sur la voiture et au sein de l’équipe. Il parla de ces objectifs et de ces espoirs. Il restait humble malgré sa renommée déjà immense, et ne prenait pas ses récentes victoires pour acquis. Antton apprécia cela.    

    Raul le tira par le bras alors que le pilote s’apprêtait à quitter la scène.    

   – C’est Antton ? s'étrangla Braulio en comprenant.    

   – Qu’est-ce que vous faites ? chuchota-t-il alors qu’il longeait l’estrade, le dos courbé pour rester caché.    

   – On va le voir de plus près, répondit Marco sur le même ton.   

   – Quoi ?    

   Ses deux cousins lui firent signe de se taire. Ils s’accroupirent près des marches, le cœur battant. Il y eut du bruit, deux personnes descendirent, puis ce fut au tour du pilote. Ils échangèrent des regards, fous de joie.    

   – Viens avec moi, Antton ! fit soudain Paola en l’attrapant par la main.    

   Elle le traîna d’office hors de leur cachette et courut après Dixon. Elle apostropha le pilote, et échangea quelques mots avec lui en pointant Antton du doigt.    

   – Qu’est-ce qu’elle fait ? demanda-t-il, mal à l’aise.    

   – Allons voir ! s'exclama Raul en la rejoignant.    

   – ... Je suis certaine que ce n’est qu’une question de temps. Et je ne dis pas ça parce que c’est mon cousin, Antton est réellement un excellent pilote.    

   Il voulut disparaître sous terre en entendant Paola parler de lui de cette façon. Dixon se tourna vers lui avec un sourire.    

   – Tu es pilote de Mach 3 ? demanda-t-il en lui tendant une main.    

Il hocha la tête en la lui serrant, sans mots.    

   – Tu cours dans une équipe junior ? fit-il encore, intéressé.    

   – Je… En réalité, je cours pour l’écurie de mon père, bafouilla-t-il. On a monté notre propre monoplace.    

   – Vraiment ? Je suis admiratif, ce n’est pas facile de se faire une place dans le sport quand on est une si petite équipe.    

Antton hocha à nouveau la tête.    

   – La voiture, ça ne fait pas grande importance, intervint Marco. Je suis sûr qu’il serait capable de décrocher des titres avec une caisse à savon.    

   Dixon éclata de rire.    

   – Tes amis ont une grande estime de toi, on dirait. Antton Torres, c’est bien ça ? Je tâcherai de m’en souvenir, si à l’avenir tu obtiens une place dans un des championnats.    

   – Merci, monsieur… sourit-il en peinant à y croire.    

   Le pilote les salua, puis s’éloigna, et ils ne tardèrent pas à décamper avant d’avoir des problèmes.    

   – Je n’en reviens pas ! s'exclama Raul alors qu’ils déambulaient dans les allées du festival. « Je tâcherai de m’en souvenir, si à l’avenir, tu obtiens une place dans un des championnats », répéta-t-il en imitant le pilote.    

   – Tu vas devenir une véritable célébrité, Antton ! fit Marco en passant un bras autour de ses épaules pour lui ébouriffer les cheveux.    

  – Calmez-vous, les gars, pouffa-t-il, je ne suis même pas sûr qu’il va véritablement se souvenir de moi…    

   – Peut-être que non, peut-être que oui, rétorqua Paola, mais ça valait le coup d’essayer. De toute façon, le culot va certainement t’ouvrir des portes un jour. Ça peut être un atout de taille quand on n'a pas d’argent.    

   – Merci de toujours dire des choses véritablement encourageantes, senhora entediante... grommela Raul.    

   – Si tu m’appelles encore une fois comme ça, je t’explose la tête ! s'écria-t-elle en le prenant en chasse.    

   Mais elle avait raison.    

   

   – Le père et les oncles d’Antton étaient férus de course automobile et de mécanique. Aujourd'hui encore, il existe toujours quelques disciplines pour lesquelles les pilotes arrivent sur la grille de départ avec leur propre monoplace, et construire une voiture, les Torres savaient le faire. C’est comme ça que tout a commencé, avant même qu'Anton soit assez grand pour parvenir à dire le mot « courir ».   

  

   C’était parti de rien. Un soir, des vacances, la fin d’un bon repas et un grand verre de citronnade sur le toit de la maison des parents d’Antton. Joel, son père, discutait moteur et échappement avec Luiz, l'un de ses beaux-frères. A refaire le monde, on est capable de beaucoup de choses, mais à force d’en discuter, ils parvinrent à la conclusion qu’à eux deux, et avec quelques mains supplémentaires, ils seraient bien capables de construire leur propre Mach.    

   Il y avait sur le circuit de Paromar, proche de Sao Paulo où vivait Luiz, diverses catégories qui couraient régulièrement, et il pouvait leur obtenir une place sur la grille. Il n’en fallait pas beaucoup plus pour les convaincre.    

   Pendant plusieurs mois, et d’abord dans le dos de Genevalisse, Joel retournait au garage après avoir couché Antton pour travailler sur la voiture. Luiz, qui avait dû retourner chez lui avec Marco et Paola, lui envoyait par fax toutes ses idées et les plans qu’il n’avait de cesse de rectifier.    

   Et puis Genevalisse avait fini par se demander pour quelle raison son époux venait toujours se coucher si tard, et la course automobile s’était doucement installée dans le foyer Torres. Antton avait connu les grands prix regardés assis sur le bar du pub voisin, où l’on passe autant de temps à toucher les antennes qu’à regarder la course. Il ne jouait pas aux petites voitures, il jouait à « la Mach ». Plutôt que de lui offrir un vélo lorsqu’il eut l’âge de pédaler, Joel lui construisit un kart qui lui valut de nombreuses chutes dans les rues de San Juan, et autant de hurlements de Genevalisse.    

   Quelques fois par an, Luiz les faisait venir à Sao Paulo, et ils finissaient toujours sur le circuit de Paromar avant même d’avoir ouvert leurs valises. Le temps passait, et la monoplace Torres devenait toujours plus rapide.    

   – Tu vois, Antton, un jour, si tu veux, tu pourras courir ici à ton tour, fit Joel en hissant le petit garçon sur ses épaules.   

   Il avait huit ans et commençait à devenir trop lourd pour se faire porter.    

   – Demain ? demanda-t-il en mettant une main en visière.    

   Joel éclata de rire.    

   – Il va falloir attendre encore un peu !    

   Encore un peu, pour Antton, ça signifiait un an.    

  

   Joel arriva en courant dans les gradins. Il portait sa combinaison dont il n’avait pas pris la peine de fermer la fermeture, et ses gants à la main.    

   – Antton est avec toi ?    

   Immédiatement, l’expression de Genevalisse changea et elle se leva d’un bond.   

   – Je croyais qu’il était avec toi !    

   Ils tournèrent les yeux vers la femme de Luiz, et vers les trois cousins d’Antton, mais tous secouèrent la tête.    

   – Luiz le cherche dans les paddocks, fit Joel alors qu’ils revenaient en courant dans la ligne des stands.    

  – Joel ? s'étonna Braulio en les voyant débouler dans le garage. Mais si tu es là… Qui est dans la voiture ?    

  Joel et Genevalisse échangèrent un regard, puis se précipitèrent en courant vers la barrière.    La séance d’essais libres avait débuté seulement quelques minutes auparavant, mais toutes les monoplaces étaient déjà en piste. Leur voiture, floquée du numéro neuf, passa à toute vitesse devant leurs yeux.    

  – Cabrão! s'exclama Genevelisse. Qu’est-ce qui t’a pris de laisser monter mon fils dans cette voiture ?!    

   – Mais je croyais… Je l’ai juste vu quitter le garage, avec le casque, j’ai cru que c’était toi ! répondit-il en se tournant vers Joel.    

   Pour son dernier anniversaire, Antton avait demandé à avoir une réplique de la tenue de course de son père et l’avait endossé le matin même à l’occasion de la course.    

   Gardant son sang-froid, Joel se précipita pour récupérer un panneau d’instructions, et s’empressa d’y glisser les lettres pour former le mot « box ».    

   Il le brandit au-dessus du muret qui le séparait de la piste alors qu'Antton revenait dans la ligne droite, et le suivit des yeux lorsqu'il disparut au bout du virage.    

   – Il l’a vu ? demanda Genevalisse, qui semblait au bord de la crise de nerfs.    

   – Je ne sais pas s’il l’a regardé, fit Braulio.    

   Joel le fusilla du regard. Ils attendirent qu'Antton finisse son tour, la peur aux tripes. Au lieu de s’engager dans la ligne des stands, il poursuivit sa course, et continua tout droit vers le premier virage.   

   – Por amor de Deus, Joel Zeferino Torres Agosto, fait rentrer mon fils immédiatement, tu m’entends ?! s'écria Genevalise en pointant sur lui un doigt assassin.    

Au même moment, Braulio s’exclama.    

   – Il roule à une vitesse ! Il est presque aussi rapide que toi, Joel !    

   Il fit la grimace et contempla Genevalisse fondre sur le mécanicien pour lui arracher des mains son chronomètre.    

   Joel songea que même s’il avait vu le panneau, il doutait finalement qu'Antton aurait obéi. En dernier recours, il se précipita vers la tour de contrôle. En le voyant débouler comme une furie, le commissaire qui surveillait la porte se leva d’un bond et s’approcha à grands pas.    

   – Il faut mettre un drapeau rouge ! Mon fils a pris ma place dans la voiture !   

   – Votre fils ? répéta-t-il sans comprendre.    

   – C’est ce que j’ai dit !    

   – Mais comment…?   

  À bout de patience, Joel décida d’entrer dans le bureau de supervision sans attendre l’autorisation. Immédiatement, les commissaires présents se levèrent et lui demandèrent de sortir.    

   – Mon fils de neuf ans, commença-t-il en pointant la piste, est en train de courir de ma voiture. Vous devez arrêter cette session d’essais au plus vite.    

   Les commissaires échangèrent des regards en se demandant s’ils se payaient leur tête et ce qu’ils devaient faire. L’un d’eux s’exclama.    

   – Drapeau rouge, drapeau rouge ! cria-t-il à la radio.    

   Joel ne s’était pas attendu à les voir autant paniquer.    

   – Les numéros neuf et quarante-six ont fait une sortie de piste dans le virage quatre !    

   Son cœur rata un battement. Il se précipita vers la fenêtre la plus proche. La monoplace était coupée en deux, et le cockpit avait fini sa course au milieu de la piste.    

Personne ne parvint à le retenir, et il traversa la piste en courant sans se soucier des voitures qui slalomaient entre les débris.    

   – Antton ! Antton, ça va, hijo ?    

   – J’arrive pas à me décrocher, répondit Antton, qui ne semblait pas paniquer le moins du monde.   

   Joel se contorsionna pour l’atteindre, mais la boucle de la ceinture était belle et bien bloquée. Les commissaires arrivèrent à leur tour, et l’un deux pu couper les sangles avec une pince.    

   – Tu vas bien ? demanda encore Joel en s’accroupissant.    

Il lui enleva son casque, le fit tourner sur lui-même et l’observa sous toutes ses coutures.    

   – Je crois que je vais avoir quelques bleus, répondit-il en se frottant les bras.    

   – Graçias a Dios, ta mère m'aurait tué s’il t’était arrivé quoi que ce soit… soupira-t-il en le serrant contre lui.    

   Antton rigola. Les commissaires les évacuèrent de la piste. Dans l’affaire, lui et le pilote avec qui il s’était accroché avaient eu beaucoup de chance.    

   – Désolé pour la voiture, s’excusa Antton alors que Joel l’aidait à escalader la barrière.    

   – Elle était bien au moins ? Et comment as-tu fait pour la piloter au juste ?    

   – J’ai reculé le pédalier quand Braulio est parti manger. Mais j’étais trop petit, je ne voyais pas bien la piste, c’est certainement pour ça qu’on s’est accroché avec le quarante-six.    

   Joel l’observa un moment. Antton passait beaucoup de temps avec eux au garage, et s’il lui donnait souvent des coups de main en lui tendant les outils, il ne se serait jamais imaginé qu’il puisse faire cela tout seul. Il fléchit les genoux pour se mettre à sa hauteur.   

   – Tu es formidable, tu le sais ça ?    

   – C’est ce que maman me dit tout le temps, pouffa-t-il.    

   – Oui, mais ce que tu as fait : reculer le pédalier, piloter cette voiture… Très peu de garçons de ton âge auraient été capables d’en faire autant.    

   Antton tourna les yeux vers la piste et contempla la grue qui enlevait les débris. Ça ne lui avait pas semblé si difficile, pourtant.    

   – Maman va être très fâchée, tu crois ?    

   – Oui, c’est certain. Même si c’était extraordinaire, ce que tu as fait était très, très dangereux, et en plus, tu as agi dans notre dos à tous les deux. L’accident que tu as eu aurait pu être terrible.    

   – Est-ce que je vais avoir l’interdiction de piloter ? demanda-t-il avec effroi.    

   – En tout cas, pas ce genre de monoplace, rétorqua Joel.    

   Genevalisse fut tellement heureuse de retrouver son petit garçon en un seul morceau qu’il ne lui vint pas à l’esprit de se fâcher. Elle lui fit la morale, et incendia Joel, mais Antton parla avec tant d’emphase de ce qu’il avait vécu lorsque ses cousins le rejoignirent, qu’elle n’eut pas la force de casser l’ambiance. Après ça, Joel patienta avant de trouver le bon moment pour aborder le sujet : si Antton le leur demandait, accepteraient-ils de le laisser courir ?    

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